Accueil Travaux parlementaires Application des lois « Si nous voulons que les citoyens reviennent aux urnes, l’élément déclencheur de ce retour c’est l’affirmation que leur signature comptera pour faire entendre leur voix. »

« Si nous voulons que les citoyens reviennent aux urnes, l’élément déclencheur de ce retour c’est l’affirmation que leur signature comptera pour faire entendre leur voix. »

PJL portant application de l'article 11 de la Constitution

Hélène Lipietz

Intervention

Dossier législatif

 

 

Monsieur le président,

Monsieur le rapporteur,

Monsieur le ministre,

Mes chers collègues,

 

Je voudrai tout d’abord saluer notre rapporteur et président de la commission de Lois, Jean­Pierre Sueur, qui a effectué un travail de clarification et de codification qui mérite d’être salué, sur cette (ces) proposition de loi pour la mise en oeuvre de l'article 11 de la constitution, dans sa version de 2008.

Nous pourrions nous interroger sur notre promptitude à mettre en application notre loi fondamentale, 5 ans pour mettre en œuvre les modifications actées par le congrès, c’est peut-­être un peu trop long.

Non qu’il faille se précipiter, car les lois d’applications doivent être rédigées sereinement, mais nous devons néanmoins garantir l’application de notre constitution dans des délais raisonnables.

Ce délai a d'ailleurs permis tous les fantasmes sur le contenu de l'article 11...

nous allions enfin être une démocratie directe avec un référendum d'origine populaire... or l'article 11 n'est nullement d'initiative populaire mais d'initiative parlementaire, d'où d'ailleurs la proposition de changement de nom faite par notre rapporteur: nous sommes passés d' « une initiative référendaire » à « une proposition de loi référendaire » ce qui limite la confusion avec le concept d' « initiative populaire ».

Comme pour d’autres articles de notre constitution, les conditions posées à "la proposition de loi référendaire" ont pour effet de limiter de manière extrême les cas d’application effective du mécanisme.

La portée du processus démocratique direct est donc bien inférieur à ce que les écologistes appellent toujours de leur vœux.

Ainsi la Constitution, en prévoyant le recueil des signatures de 10% des électeurs, oblige trouver plus de 4 millions de signatures, ce qui relèvera certainement de l'exploit :

malgré une couverture médiatique intense, les opposants au mariage pour tous peinent à réunir un million de signatures contre ce projet , on peut donc douter qu’aucune proposition réunisse un jour les signatures nécessaire

Les critères européens pour une Initiative citoyenne européenne sont nettement moins restrictifs, puisqu’il suffit d’un millions de signatures dans 7 pays de l’UE. 

Les rares parlementaires qui réuniront ces 4 millions de signatures, seront dignes d'être statufiés et leur statue d'être exposée soit dans notre hémicycle soit au musée Grévin. 

 

Et de toute façon ce ne sera pas des parlementaires, verts ou centristes ou communistes, comme il l'a été rappelé. 

Une fois cette écueil dépassé, le travail parlementaire restera la norme, tant il est évident que le passage à la moulinette parlementaire du texte initial aura respecté le délai d'un an pour examiner la proposition afin 

d’éviter à tout prix la soumission au référendum par le président la république.

Tout au plus cette proposition de loi “nouveau genre” aura pour avantage de faire travailler, en amont même de son dépôt, les parlementaires des deux chambres, puisque rien n'empêchera que les initiateurs soient des sénateurs et des députés.

SUR la propostion elle-­même, peu de chose à dire si ce n'est qu'attirer votre attention sur les risques et les dérives potentiels du recueil des signatures de soutiens par voie électronique

Au risque de paraître “un peu archaïque” comme il me l’a été reproché ,.

Je vous rappele l’existence certaine, avérée et déplorée de la fracture numérique dans notre pays, par le manque d’infrastructures dans certaines régions, mais aussi et surtout par la fracture culturelle et éducative et encore parfois générationnelle concernant l’utilisation des outils numériques et puis la machine n'est pas un signe de rapidité et/ou d'efficacité, comme nous l'avons vu pour le vote des français de l'étranger.

En comparaison, la Suisse a appelé ses électeurs aux urnes référendaires 49 fois entre 1995 et 2011 pour répondre à 140 questions qu’il s’agisse de référendum d’initiative populaire ou du droit d’initiative des citoyens pour modifier leur propre constitution.

En France nous n’étions convoqués que 2 fois durant la même période!

Et pourtant, le recueil des signatures sur trois mois
(100 000 pour 7 millions d'électeurs) se fait encore manuellement, en porte à porte, sur les marchés, devant les gares

Comme quoi, le papier et le rapport humain n’est pas un frein à la démocratie! C'est pourquoi et surtout, j'assume totalement le prix de la démocratie:

demander son soutien à un citoyen pour faire une loi relève

d'un rapport de citoyen à citoyen

et non de citoyen à machine,

alors même que l'on sait que les machines peuvent être l'objet de détournement :

même l'armée américaine en a été victime (Souvenez­vous des Drones prédators américains piratés en Irak à l'aide d'un logiciel coûtant 30 dollars sur internet )

La démocratie a un coût mais elle n'est pas un luxe,
à nous de savoir la faire vivre en ne la déshumanisant pas et même en allant plus loin.

Nous écologistes sommes profondément attachés à toutes les formes de démocratie citoyenne et nous regrettons les restrictions constitutionnelles à l’émergence de ces formes à un échelon national ou territorial.

Notre Constitution pourrait être bien plus ambitieuse que nous ne le sommes actuellement en actant un droit d’initiative citoyenne et non plus seulement parlementaire.

Voila une belle et moderne proposition pour un futur congrès n'est­ ce pas?

Ce droit d'initiative citoyenne fonctionne au niveau européen, il est étonnant que cela soit impossible en France.

Je rappellerai pour mémoire, voire in mémoriam,

le droit de pétition auprès des assemblées parlementaires consacré par l’article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 58.

A l’assemblée nationale lors de la précédente législature, sur les 36 pétitions reçues, aucune ne fut renvoyée à un ministre ou à une commission permanente.

Concernant le Sénat, l’information fut plus difficile à trouver, mais je peux vous dire que nous ne respectons l’article 88 de notre règlement, qui stipule que les pétitions sont renvoyées à la commission des lois pour instruction !!

Le saviez­vous monsieur le Président de la commission des lois et cher rapporteur?

Nous ne respectons qu'un certain formalisme !!

 

en réalité la place accordée aux pétitions est nulle,

elle ne sont même pas archivées sur le site internet du Sénat alors même que nous faisons confiance aux machines pour récolter les signatures!.

Ce que souhaitent les écologistes, ce sont de véritables initiatives citoyennes qui permettent d'inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée, nationale ou locale, un sujet dont l’importance mobilise les citoyens, et non comme pour l'article 11 de soutenir une proposition de loi !

C’est un système qui permet aux citoyens de porter un projet de loi vers le parlement lorsqu’il réunit un certain nombre de citoyens, 500 000 par exemple, résidant dans l’ensemble des territoires de la république, sur le modèle de ce qui se fait pour les initiatives citoyennes européennes.

C’est également la possibilité de référendum locaux, d’initiative citoyenne.

Si nous voulons que les citoyens/citoyennes reviennent aux urnes, ce n'est pas simplement le non­-cumul des mandats ou la timide reconnaissance du vote blanc, comme nous l'examinerons tout à l'heure qui seront l'élément déclencheur de ce retour, mais l'affirmation que leur signature comptera pour faire entendre leur voix.

Nous devons donc rendre nos concitoyens réellement acteurs de la politique à la fois locale et nationale et pas seulement lorsque nous les appelons aux urnes

car nous défendrons également lors de la réforme territoriale des mécanismes de co­construction des décisions avec les citoyens, tel les conférences de consensus (que vous connaissez bien madame la ministre) ou encore les conférences de citoyens.

Contrairement à votre analyse, madame la Ministre, de la démocratie telle que présentée par Montesquieu ou même par Rousseau, je pense qu'il faut que nous revoyons notre vision de celui­ci.

J'ose en effet, très respectivement et humblement critiquer Montesquieu car si Montesquieu est un grand visionnaire de la démocratie, force est de constater que la démocratie de Montaigne ne correspond plus à notre vision de la démocratie: Il ignorait en effet que les femmes faisaient partie du peuple démocratique

leur avantages naturels sont autant de compensation à l'inégalité de leurs droits, car la Nature a distingué es hommes par la force et la raison... (dictionnaire critique de Montesquieu)

Et j’en profite pour saluer un projet qui je pense fera parler de lui dans les mois et les années à venir, celui de parlement et citoyens, qui tente de rapprocher les citoyens et les parlementaires dans cet esprit d’enrichissement mutuelle et de coopération pour l’élaboration des lois de notre pays.

Je vous remercie de votre écoute attentive.