« Ce PLFR connaît un recul spectaculaire des fonds de l’écologie : 220 millions pris sur la transition énergétique et la ville durable, réaffectés… à la recherche sur le nucléaire militaire. »
Projet de loi de finances rectificative pour 2014
André Gattolin
Madame/Monsieur la/le Président(e),
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Si cette seconde lecture du projet de loi de finances rectificative s’annonce sans grand suspens, elle offre malgré tout l’occasion de faire un premier bilan de la discussion parlementaire.
Ce PLFR, avec son alter ego le PLFRSS, anticipent les lois de
finances de l’automne pour acter d’ores et déjà une partie des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.
Or, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en première lecture : les
parlementaires écologistes ne se retrouvent pas dans l'équilibre
général de ce pacte.
Accorder autant d’argent public à toutes les entreprises, sans conditions ni sectorialisation et en l'absence de véritables contreparties, revient à considérer que notre économie ne
souffrirait que d’un défaut de l'offre.
Cela consisterait à accroître toute production, quelle qu’elle soit, sans s’interroger sur la pertinence et l’adéquation du modèle de production aux contraintes écologiques de notre temps.
Aujourd’hui, l’argent public subventionne abondamment une
agriculture avide de pesticides, qui suscite de nombreux cancers et stérilise progressivement les sols.
Il subventionne fortement le diesel, alors que les particules fines, sans même parler des oxydes d’azote, provoquent chaque année des dizaines de milliers de morts prématurées.
L’Etat se ruine en importations d’énergies fossiles, qui
dégradent violemment le climat et sont de toute façon amenées à disparaître...
Comment ne pas voir cette urgence écologique ? Comment ne pas voir que c’est ce modèle de développement qui détruit l’environnement et qui alimente la crise économique et sociale par ses dépenses onéreuses et son acharnement à sauver des
filières souvent condamnées ?
S’engager résolument dans la transition écologique de
l'économie permettrait à l’inverse de restaurer notre qualité de vie, d'être moins dispendieux, notamment en matière
d’énergie et de santé, et de pérenniser une économie d’avenir riche d’emplois non-délocalisables.
Le groupe écologiste a le sentiment de ne pas être suffisamment entendu.
Rien dans l’entretien que le Président de la République a donné pour le 14 juillet dernier n'ouvre sur une réelle perspective écologique pour notre pays. Aucune mention de la grande Conférence internationale sur le climat (COP 21) qui se tiendra l’année prochaine à Paris n'a été faite.
Un oubli malencontreux, espérons-le, car à défaut il s'agirait alors d'un oubli coupable.
Au cours des débats budgétaires successifs, nous avons compris que conditionner les aides aux entreprises demeure toujours impensable pour le Gouvernement. Les effets d’aubaines, y
compris ceux du crédit impôt recherche (CIR), largement
documentés par la Cour des Comptes, resteront donc la règle.
Il est intéressant de se rappeler, à l’occasion de ce PLFR, que c’est pour financer ces baisses générales d’impôts et de cotisations que le prix des transports en commun a été renchéri par une hausse de la TVA.
En première lecture, les députés avaient adopté, sans que le Gouvernement ne s’y oppose, une augmentation des taxes de séjour, nationale et francilienne, afin précisément de financer les transports collectifs.
Malheureusement, ces mesures n’ont pas résisté à la pression des professionnels de l’hôtellerie. Et le Gouvernement a finalement choisi de les supprimer.
Les deux taxes additionnées avaient un effet
cumulatif fort et méritaient sans doute d'être améliorées et
davantage concertées. Pour autant, la taxe francilienne de
séjour est indispensable et urgente pour financer les projets d'infrastructures de transports dans un contexte de diminution des dotations d'investissements des collectivités terittoriales.
Ce PLFR connaît également un recul spectaculaire des fonds attribués à l’écologie : ce sont 220 millions d’euros pris sur la transition énergétique et la ville durable qui sont réaffectés, comble de l’ironie, à la recherche sur le nucléaire militaire.
Au-delà du fait qu’il heurte profondément les écologistes, ce
transfert permet plus généralement de mettre en lumière la
débudgétisation chronique et les mécanismes opaques qui permettent de substituer des crédits d’investissement, comme le PIA, à des crédits de fonctionnement.
C’est un phénomène qu’on remarque aussi au niveau
communautaire avec la gestion des budgets européens
pluriannuels, qui permet souvent de telles dérives.
À tous les niveaux aussi, la chasse aux économies est permanente et elle conduit à privilégier l’existant - fût-il condamné au changement - au détriment de la vision de long terme - fût-elle absolument nécessaire.
De la même manière, les 200 000 euros rendus à l’Institut
national de l’audiovisuel en seconde lecture pointe le manque de prévoyance d’une politique qui s’assigne des économies
improbables : l’INA avait en effet été récemment mis à un régime sec.
Une partie de ses réserves avait même été aspirée dans le cadre des économies du PLF 2014.
Quant aux annonces faites sur l’apprentissage, et qui ont connu un début de traduction législative en seconde lecture, elles vont de notre point de vue dans le bon sens, même si de nombreuses incertitudes pèsent encore sur leur financement, qui ne sera
abordé qu’à l’occasion du prochain PLF.
Enfin, je tenais également à signaler notre déception quant au fait que le Gouvernement soit revenu sur l’amendement de
première lecture qui visait à garantir un marquage des produits de tabac, indépendant des fabricants.
Si la première lecture avait donc plutôt, à notre sens, amélioré le texte, la seconde revient en fait assez largement sur
plusieurs de ces avancées.
Pour autant, la première partie du texte étant assez brève et
contenant dans son article premier une substantielle mesure d’aide aux ménages les plus modestes, les écologistes voteront la première partie du PLFR, qui pourrait bien également constituer la fin de l’examen du texte par notre assemblée.
Je vous remercie.